La voix du Sang.

Publié le par Tenshi Kofuku

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Les habitants du cartier furent définitivement convaincus que Jules était fou lorsqu'il entendirent parler de sa rédaction... Depuis longtemps déjà ils avaient des soupçons car...
 
Flash back  dans le passé du garçon :
 
  Le regard fixe et inexpressif de Jules donnait le frisson. Sa voix guttural jurait de façon étrange avec sa frêle constitution. La pâleur de sa peau, qui semblait pendre mollement autour de sa chair, mettait beaucoup d'enfants mal à l'aise. Il détestait la lumière du soleil.
  Et ce qu'il avait dans la tête était totalement incongru pour son entourage.
 
  En effet, il n'avait qu'un idée en tête : devenir vampire.
 
  La rumeur publique affirmait qu'il était né par une nuit de tempête à déraciner les arbres. On disait qu'il avait 3 dents à la naissance. Qu'il s'en servait pour s'accrocher au sein de sa mère et tirer du sang aussi bien que du lait.
  Qu'il ricanait et aboyait dans son berceau une fois la nuit tombé et qu'il restait à contempler la lune dès qu'elle brillait.
  Voilà ce qu'on disait de lui.
 
  Ses parents ne cessaient de se faire du souci à son sujet. Jules étant fils unique, ils n'avaient pas tardé à remarquer ses tares.
  Ils le crurent aveugle jusqu'au jour où le médecin leur expliqua simplement qu'il avait le regard absent. Et qu'avec sa grosse tête, il pouvait aussi bien être un génie qu'un crétin ! Il s'avéra donc qu'il était un crétin.
 
  Jusqu'à l'age de cinq ans, il ne prononça pas un seul mot. Puis, un soir au dîner, il vint s'assoir à table et làcha :  Mort.
  Tout d'abord partagés entre la joie et le dégoût, ses parents finirent par éprouver un sentiment intermédiaire. Il décrétèrent que Jules ne pouvait comprendre ce que le mot signifait.
  Ce en quoi ils se trompaient !
 
  Et à partir de ce jour, Jules se constitua un vocabulaire si riche que tous ceux qui le connaissaient en étaient stupéfaits. Non seulement il retenait tous les mots qu'il entendait ou voyait, ceux des panneaux, des revues et des livres qui lui tombaient sous le nez, mais il inventait des mots à lui.
 
  Nuitouche, par exemple. Ou encore tuaimer. C'étaient des espèces de mots-valises qui traduisaient des choses que lui seul comprené.
 
  En général, il restait à l'écart des autres enfants, assis, seul sur le bord du trottoir.
Jusqu'à l'age de 12ans, Jules ne commit pratiquement aucunes bêtise.

  On le trouva bien un jour occuper à déshabiller Oscar ( un jeune enfant ) dans une impasse ou encore une autre fois, on le surprit en train de disséquer un chat sur son lit.
   Mais ce fut à quelques années d'intervalles et ces petits scandales furent oubliés.
  Aussi, il allait à l'école mais ne fournissait aucun travail. D'où les redoublements. Les instituteurs ne le connaissait que par son prénom. Dans certaines matières il se montrait presque brillant ( comme l'écriture par exemple ) et dans d'autres : d'une nullité crasse.
 
  Puis, un samedi soir, Jules alla voir au cinéma le film Dracula.
  Le film terminé, il n'était plus qu'une masse de nerfs à vif au milieu des autres enfants.
  Le lendemain, il se rendit à la bibliothèque et " emprunta " le livre. Puis, durant presque 2 mois, il passa ses journées entière à le lire, le relire et ainsi de suite jusqu'à ce qu'un jour, ses  parents découvrirent le volume, Ils remarquèrent aussitôt quelques lignes que leur fils surligné  au crayon de mine.
 
Par exemple :
 
 

' Ses lèvres étaient écarlates, toutes humides de sang frais dont un filet avait coulé sur son monton
et souillé la batiste blanche de sa chemise mortuaire... "
 
Ou encore :
 
"Lorsque le sang commença à jaillir, d'une main il saisit les deux miennes de façon à me
rendre tout geste impossible, et de l'autre, il me prit la nuque et, de force, m'appliqua
la bouche contre sa veine déchirée... "
 
  Quand elle eut fini sa lecture, dégoutée, la mère le jeta immédiatement dans le vide ordure... et quelques heures plus tard, Jules s'en apperçut. Il se mit à hurler et tordit le bras de sa mère qui céda et lui dévoila la vérité.
  Alors il descendit au sous-sol et fouilla dans le monceau d'ordures jusqu'à qu'il l'est retrouvé. Les mains et les poingnets maculés de marc de café et de jaune d'oeuf, il se rendit dans le parc pour reprendre sa lecture.
 
  Quelques jours plus tard, il se décida enfin de retourner à l'école, dans l'envie d'écrire une rédaction. Et il en eut l'occasion un jour, lors d'un devoir de table. Quand tout le monde eut fini, la maîtresse demanda qui était volontaire pour lire sa rédaction.
  Jules leva la main.
- Très bien, dit-elle. Soyez attentif les enfants !
  Jules se leva. Il était tout éxité.
- L'ambition de ma vie, par Jules Dracula.
  Le sourire s'affaissa.
- Quand je serais grand, je veux être un vampire.
  Les lèvres de la maîtresse se crispèrent.
- Je veux vivre éternellement pour me venger de tout le monde et transformer toutes les filles en vampires ! Je veux puer la Mort !!
- Jules ! s'écria l'institutrice.
- Je veux avoir une haleine fétide, empestant la terre morte et la fadeur du cercueil.
 
  Toute la classe frissonna. La maîtresse n'en croyait pas ses oreilles. Elle regarde les enfants, certains d'entre eux pouffaient. Mais pas les filles.
- Je veux être blanc, blanc comme la neige ! continua Jules. Je veux avoir du sang volé dans mes veines !
- Sa suf... ahem ! ( La maîtresse dut s'éclaircir la voix ) Sa suffit comme ça Jules !
  Mais il reprit plus fort, avec l'énergie du désespoir :
- Je veux planter mes terrible dents jaunâtres dans le cou de mes victimes. Je veux qu'elles...
- JULES ! RETOURNE IMMEDIATEMENT A TA PLACE !
  Plus personne ne gloussait. Jules avait l'air sérieux et la maîtresse épouvantée.
  Elle le saisit par le bras. L'autre se débattit et lui infligea une puissante gifle puis monta sur l'une des tables.
- Je veux boire le sang des filles et sentirent leurs âmes dépérir en hurlant de douleur à la vue de leur propre sang !
  La maîtresse se releva et parvint enfin à le saisir pour le conduire chez le directeur. Les mois suivant, l'adolescent s'était enfermé dans sa chambre, et ne sortait plus jamais.
 
  Pendant ce temps, la rumeur fit le tour du cartier. Dès lors, on se méfia de Jules et évité tout contact avec lui comme-ci il avait la peste.
  Une année s'écoula ainsi, et Jules errait dans les rues à la recherche de quelque chose. Mais quoi ? Il cherchait dans les parkings, dans les ordures...
  Il avait tout oublié : les mots qu'il s'était forgé. Il ne dormait plus...
 
  Et un jour pourtant, tandis qu'il flânait au zoo, il senti un courant électrique lui traverser le corps lorsqu'il vit l'énorme chauve-souris.
  Ses yeux s'agrandirent de joie et un large sourire découvrit ses dents jaunes.
  [ ... ]
 
  Un jour, Jules remarqua que le grillage recouvrant la cage était descellé. Et la nuit venue, il retourna au zoo en escaladant la grille. Il guetta habilement le gardien. Et le bon moment venu, Jules tira sur le grillage. Chaque noeuds sautèrent les uns après les autres. Puis il enfourna sa main dans la cage. Enfin, le Comte   allait être libre et il pourraient partir aux chaque coins du monde et boire le sang des filles !
 
  Il passa le bras dans l'ouverture enténébrée.
- Je vais vous libérez mon Comte... mon Maître... dit-il tout bas.
  Il sursauta en sentant une piqûre d'aiguille au bout de son doigt. Son visage rayonna d'une joie intense.
  Puis il serra la chauve-souris contre lui et s'en alla, à toutes jambes.
  Il traversa un jardin et pénétra dans une cabane en planche à l'abandon.
  L'intérieur était sombre, humide, remplit de conserves vides, de cartons détrempés et d'excréments.
 
  Jules s'assura qu'il n'y avait pas d'issue par où la chauve-sauris puisse s'échapper et ferma la porte.. Il senti son coeur battre. Puis il déchira fiévreusement sa chemise et d'un sourire dément s'empara d'un couteau qu'il avait volé à sa mère. Il passa un doigt sur la lame qui entailla sa chair.
  D'une main tremblante, il la planta dans sa gorge. Ses doigts furent inondés de sang.
- Comte ! Comte ! cria-t-il. Venez me boir ! Venez boir mon sang !
  Il trébucha sur les boîtes de conserves, glissa tâtonna pour attraper la chauve-souris. Celle-ci s'envola et alla s'accrocher de l'autre côté de la cabane. Des larmes coulèrent sur les joues de Jules. Il grinça des dents. Le sang ruisselait sur ses épaules et sa poitrine étroite.
  Son corps tremblait de fièvre. Il tomba en arrière. Le rebord d'une boîte conserve lui entailla profondément le dos. Il tendit les mains et les referma sur la chauve-sauris. Il la plaça contre sa gorge et poussa un long soupir.
  Il se mit à gémir, tandis que dans le silence l'énorme chauve-sauris noire lui lapait son sang.
  Il senti sa vie le quitter goute à goute...
  L'intérieur puant de la cabane tournait autour de lui...
  Il avait du mal à respirer.
 
  Mais soudain ! une terrible clarté se fit dans son esprit. La coupure dans son dos le rappela à son souvenir. Il se rendit alors compte qu'il était étendu à demi nu sur des ordures. Poussant un cri immonde, il arracha de sa gorge le monstre velu qui revint à la charge aussitôt attiré par le sang en lui éventrant le visage de ses ailles.
  Tant bien que mal, Jules se remit debout.
  Il chercha la porte à tâtons. Tout ce sang qui coulait de sa gorge... Il tenta de l'arrêter.
  Il réussit enfin à ouvrir la porte. Il sorti et s'élança dans le jardin. Il voulu appeler au secours mais sa pauvre voix n'émit qu'un gargouillement sourd. Il s'effondra dans l'herbe. Il entendit des bruits d'ailes...
... Puis plus rien.
 
  Des mains robustes le soulevèrent délicatement. Le regard mourant de Jules se posa sur le regard de l'homme qui se mit à pleurer.
- Mon fils, dit l'homme.
 
" La voix du sang "
Par Richard Matheson reprit par Amy Hinamori
1999-2011
 
ONLY-GILS@SKYROCK.FR

Publié dans Fiction

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